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Portrait d'artiste

Chloé Desmoissons : créatrice de vêtements

Est-ce que l’on choisit son métier ou est-ce que l’on est choisi(e) ?
J’ai mis longtemps avant de comprendre d’où provenait mon blocage à répondre à cette question. Simplement je ne me sens pas concernée pas cette interrogation dans la mesure où l’aspect de ma vie en référence avec ce dont nous allons parler, la couture, n’est en rien mon métier : il s’agit d’une passion. J’ai un travail en parallèle, une activité rémunérée, mais je n’exerce pas le métier de couturière.

Qu’en est-il de ta formation et de ta pratique ?
J’ai une formation en psychologie. Je n’ai jamais pris aucun cours de couture ; je suis autodidacte. J’ai appris seule depuis l’âge de 17 ans. Ce que je sais aujourd’hui, j’ai été le chercher. J’ai tâtonné, j’ai testé, j’ai détesté, et puis j’ai réussi, mais je ne m’en suis pas contenté. Quand on atteint un palier, il y a toujours un escalier pour monter plus haut, et j’y vais. Un ami m’a dit un jour qu’un arbre qui poussait seul, en pleine terre et à l’abri de nul autre, était plus fort. Mais je suppose qu’il est également biscornu d’avoir grandi sans tuteur. D’où le nom que j’ai choisi Tara Biscotte et Cie, dans lequel on entend « tarabiscoté ».

Quel est ton souvenir d’enfance avec cela ?
Ma première influence a été ma tante, Madeleine. Quand j’avais une dizaine d’année, j’étais en admiration devant les tenues que ma tante confectionnait pour elle, et pour ma cousine, plus âgée que moi. Ça me fascinait ! Elles étaient en mesure de créer des tenues magnifiques et originales qu’elles avaient entièrement imaginées. Dès lors, porter mes créations a été un rêve.

A l’âge de 18 ans, ma grand-mère m’a donné ma première machine à coudre. Elle m’a dit ceci : « Cette machine est cassée mais si ton père peut la réparer, elle est à toi » (…) Heureusement elle fonctionnait très bien, et j’ai commencé à réaliser mes premières créations.
Encore maintenant, je suis en tête à tête avec ma machine, et juste la musique nous accompagne. Les gestes sont répétitifs et personne ne me parle. Alors je peux m’entendre penser mais je ne réfléchie pas. La pensée se déroule comme un chemin que l’on foule sans savoir pour autant où on va. Et le bruit de la machine rythme mon cheminement. Bien plus tard j’ai appris que cela constituait un souvenir d’enfance pour mon fils, quand le soir, il s’endormait en entendant le bruit de la machine à coudre…
A cette époque je me nourrissais exclusivement de biscottes. D’où l’autre partie de mon nom, « Biscotte »…

Comment est née l’envie de voyage, quel est ton rapport avec le voyage ?
L’envie de voyage couvait depuis mes 20 ans. C’est l’Afrique qui m’a toujours attirée sans que je n’ose l’aborder. En 2015 j’ai fait la connaissance de Lagui Konate, professeur de danse africaine sur Bordeaux. C’est une personne que je porte en haute estime et c’est lui qui m’a accompagnée vers l’Afrique. Lagui proposait un stage de danse à Ouahigouya au Burkina Faso et je me suis sentie en confiance. La première année (2017) j’ai pensé « j’y vais les yeux fermés » et la seconde année, j’ai senti que j’y allais « le cœur ouvert ».

Penses-tu que l’Afrique a influencé tes créations ?
Si oui, comment ?En 2008 j’ai intégré une association, Hip Percut. Nous étions une quinzaine à ce moment là, à constituer un groupe de musique et danses d’influence africaine. Nous réalisions des prestations. De fil en aiguille, je me suis proposée de réaliser les costumes de chaque membre du groupe et j’ai adoré mener le projet de bout en bout, depuis le dessin des costumes, en passant par l’achat des matières premières et leur conception. Cette expérience a marqué ma première grande progression en couture.

Je produisais donc beaucoup de tenues, pour moi. C’est en 2019 que l’association de laquelle je faisais partie, l’Arbre à Palabres, m’a donné l’opportunité de monter mon premier défilé de mode et c’est comme ça que Tara Biscotte & cie a réellement débuté.

L’Afrique influence mes créations naturellement car je vais notamment utiliser du tissu associé à ce continent, le wax. A chaque voyage, je revenais avec des valises entières de tissu. J’ai adoré me rendre dans les boutiques à Ouagadougou, Bobo Dioulasso, Ouahigouya ou encore dans le grand marché de Dédougou et regarder avec envie ces piles de tissus, s’élevant du sol jusqu’au plafond ! Ces couleurs extraordinaires, ces motifs par milliers ! J’ai adoré être derrière un ami, sur un scooter, arrêtés à un feu et toutes les personnes sur tous les scooters autour de nous portaient des tenues tellement colorées ! C’est tellement plus gai ; je me suis dit que ça manquait drôlement dans nos rues bordelaises… j’aime l’odeur même du pagne, quand il n’a pas encore été lavé… Et j’ai adoré m’asseoir en tailleur, à même le sol de la boutique, en face de la commerçante chez qui j’allais tous les ans me fournir en kilomètres de tissu : je venais lui faire découvrir ce que je faisais du tissu que j’achetais chez elle. C’est donner du sens à ce que je fais. J’aime à penser que je ne suis pas simple consommatrice, je partage. J’ai adoré ce moment car nous n’étions plus dans un rapport commerçante/cliente mais bien entre femmes, à parler mode et culture. Nous étions dans l’échange.

En Afrique ce qui a fait écho en moi est de penser que le corps est unique. Chacun à le sien et c’est ce que je m’efforce de montrer dans mes défilés en choisissant notamment de m’entourer de femmes très différentes en taille, morphologie, âge… Il me tient à cœur de représenter « le corps de la femme dans tous ses états ». Les différences sont nos richesses. Jouons de nos qualités , c’est ce que permet le sur-mesure.

Pour en savoir plus sur les créations de Chloé, cliquez sur Tara Biscotte et Cie !

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